Intelligence Artificielle dans la banque : des perspectives freinées

Intelligence Artificielle dans la banque : des perspectives freinées

512 milliards de dollars, c'est le montant des revenus supplémentaires que pourraient générer les outils d'automatisation intelligente dans le secteur de la banque d'ici à 2020. Si le rapport Capgemini chiffre les opportunités de l'intelligence artificielle, il note aussi les défis à relever. Décodage.
Banques en ligne

Rédigé par Olivier BALBASTRE

le 14 Aout 2018

Intelligence Artificielle dans la banque : des perspectives freinées

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L’intelligence artificielle au cœur de la transformation numérique des banques

Dans un entretien pour Le Point, André Coisne, directeur général d’Orange Bank, est interrogé sur ce que sera la « prochaine innovation majeure dans le secteur bancaire ». La réponse de l’ancien dirigeant des banques en ligne BforBank et ING Direct est sans équivoque : « le prochain chapitre, c’est l’intelligence artificielle (IA), qui permet d’améliorer le service au client ». Orange Bank a déjà recours au chatbot Djingo qui s’appuie sur le service d’intelligence artificielle d’IBM baptisé Watson. Le robot conseiller autorise des échanges conversationnels, y compris prochainement dans le cadre de conseils aux clients pour le crédit ou l’épargne.

Pour Nicolas Sekkaki, président d’IBM France, « il faut voir l’IA comme un catalyseur de transformation de banque » et insiste : « les banques doivent réinventer la façon dont elles passent d’une culture « produit » à une « expérience client ». ». De l’analyse des risques à la réglementation en passant par la détection des fraudes : l’intelligence artificielle est un outil qui favorise l’adaptation des banques à la numérisation influençant la relation et le parcours client. Toutes les banques investissent ce champ d’innovation qui a forcément un impact sur le métier de chargé de clientèle mais pas que.

L’impact de l’IA sur les métiers de la banque

L’IA libère les conseillers d’opérations répétitives au bénéfice de tâches plus complexes autour de nouveaux domaines comme l’assurance et de l’accompagnement client aux moments clés de leur vie. Les directeurs financiers des établissements bancaires veulent aussi exploiter l’intelligence artificielle mais aussi la blockchain pour optimiser leurs processus opérationnels. Ces derniers devront être plus rapides et moins onéreux. Nombreuses sont les banques à mettre en place les algorithmes d’intelligence artificielle pour utiliser les masses de données qu’elles collectent. Le but est d’obtenir la maitrise des données clients pour mieux leur formuler des offres individualisées.

Les banques se dotent donc d’équipes dédiées à la data intelligence dont le rôle est de rendre les données fiables et exploitables alors que ces établissements souffrent d’un fonctionnement en silo complètement inadapté. La réglementation européenne les pousse à ouvrir l’accès aux comptes bancaires à des acteurs tiers, d’autant que l’ombre menaçante des géants du web pointe à l’horizon. En France, le rapprochement entre les banques et les GAFA se cantonnent au marketing en ligne et au paiement. En revanche, aux Etats-Unis, les collaborations s'élargissent et se renforcent : Amazon avec JP Morgan et Berkshire Hathaway, Apple et Goldman Sachs, Facebook Messenger et Citigroup...

Automatisation des services financiers : entre perspectives lucratives et obstacles

L’intelligence artificielle par le biais de l’automatisation, c’est aussi des perspectives attractives en termes de chiffre d’affaires. C’est ce que relèvent les conclusions du nouveau rapport « Growth in the machine : How financial services can move intelligent automation from cost play to growth strategy », du Digital Transformation Institute de Capgemini publié le mois dernier. Il évalue à 512 milliards de dollars le gain potentiel pour le secteur des services financiers d’ici à 2020. Les auteurs soulignent que le déploiement de l’automatisation des processus par la robotique permet à un établissement de décrocher 10 à 25 % d’économies, et même 30 à 50 % lorsqu’il est couplé avec l’intelligence artificielle.

Plus de la moitié des établissements sondés (55 %) disent vouloir employer l’automatisation afin de booster la satisfaction client, 45 % voulant prioritairement accroître leur chiffre d’affaires. En réalité, les deux objectifs sont envisageables simultanément car l’amélioration de l’expérience client est un véritable vecteur de croissance. 35 % des sociétés questionnées ont constaté une hausse de leur chiffre d’affaire de 2 à 5 % suite au déploiement de l’automatisation. Mais le chemin à parcourir est encore long : seule 1 entreprise sur 10 indique avoir appliqué une telle stratégie à grande échelle. Pourquoi si peu ?

Les difficultés sont liées aussi bien à leur activité, qu’à la technologie elle-même et aux ressources humaines. 43 % des établissements évoquent un souci à élaborer un business case lisible et 41 % avouent ne pas parvenir à convaincre leurs dirigeants du bien-fondé d’investir dans l’automatisation. Presque la moitié (48 %) déclare éprouver des difficultés dans le recrutement de collaborateurs performants. Enfin, 46 % mentionnent l’absence d’une stratégie de gestion des données comme principal frein. Pour Jose Ordinas Lewis, directeur du centre d’automatisation robotique chez Swiss Re, « l’automatisation dans le secteur des services financiers va être similaire à la révolution qu’a connue le secteur automobile dans les années 70-80. ».

Le retard des banques françaises dans le domaine de l’IA

Le rapport de Capgemini met en avant le retard pris par les établissements financiers français. 7 % seulement ont lancé le déploiement à grande échelle d’outils d’intelligence artificielle. C’est 6 points de moins que leurs homologues basés au Royaume-Uni. La France souffre particulièrement de la complexité à dénicher les talents humains pour porter les projets et d’une vigilance exacerbée autour de la problématique de l’utilisation des données clients. Si Orange Bank par la voix de son directeur général semble avoir saisi l’intérêt des retombées financières de l’intelligence artificielle, beaucoup d'établissements s’y essaient l'instar de la banque en ligne Hello bank! qui confiait au printemps dernier sa messagerie Facebook à un chatbot.

La Société Générale a lancé Imagica, une plateforme d’analyse de documents pour simplifier et accélérer les processus d’identification et de connaissance client encadrés par les obligations réglementaires KYC. Le Crédit Mutuel exploite aussi la technologie Watson d’IBM depuis 2016 pour assister, non les clients mais les conseillers dans le traitement des mails. Même chose pour la Société Générale avec l’outil conçu par la start-up OWI. Les banques françaises hésitent encore à mettre en contact avec leur clientèle des agents conversationnels. Le Crédit du Nord teste actuellement un chatbot capable de répondre aux questions des clients sur les crédits immobiliers quasiment instantanément.

Malgré les réticences et les nombreux obstacles, la volonté existe comme l’illustrait une étude Next Content pour Quadient parue en avril dernier. Celle-ci indiquait que 58 % des banquiers souhaitaient engager des projets autour de l’intelligence artificielle à horizon 2020.



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