Les banques en ligne sont-elles condamnées à perdre de l'argent ?

Les banques en ligne sont-elles condamnées à perdre de l'argent ?

Devant les déficits annuels enregistrés par les banques en ligne, la rentabilité de leur modèle économique interroge jusqu'à l'autorité régulatrice. Alors qu'elles cumulent les souscriptions, les banques en ligne continuent de perdre de l'argent. Alors, politique conjoncturelle ou défaut structurel ?
Banques en ligne

Rédigé par Olivier BALBASTRE

le 21 Aout 2018

Les banques en ligne sont-elles condamnées à perdre de l

Banques-en-ligne.fr

Les banques en ligne et mobiles concentrent 36% des ouvertures de comptes bancaires

Le journal Les Echos a pu observer avant sa publication en septembre une étude de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) faisant un état des lieux du secteur bancaire. Les banques en ligne et les néobanques auraient concrétisé 1,3 million d’ouvertures de comptes bancaires en 2017. Ce chiffre représente 36 % du nombre total annuel de souscriptions pour l’ensemble des acteurs. Les alternatives aux établissements bancaires traditionnels revendiqueraient ainsi 4 millions de clients. Cette percée est toutefois à relativiser car les banques en ligne, elles-seules, n’occuperaient que 5 % du marché.

Autre problème : la rentabilité des banques en ligne et des banques mobiles. Ces acteurs sont en effet engagés dans un processus d’acquisition-client dispendieux avec des primes de bienvenue et autres campagnes promotionnelles médiatiques onéreuses. C’est justement cette stratégie qui a incité l’ACPR à diligenter son étude. Le régulateur porte donc son attention sur le véritable rythme de conquête des clients, la rentabilité du modèle économique, le poids des investissements marketing ou encore le ratio entre les clients actifs et les clients jugés opportunistes. Ce contexte s’appuie aussi sur un constat : la faible mobilité bancaire des Français avec un taux d’attrition bancaire scotché à 4,5 %.

Comme pour Orange Bank, pas de rentabilité à court terme

Depuis le départ, la pérennité du modèle économique des banques en ligne, et désormais des banques mobiles, questionne les experts comme les autorités régulatrices. Et ce n’est pas la publication des comptes annuels du Bulletin des annonces légales obligatoires qui est rassurante. Hormis Fortuneo, toutes les autres banques en ligne affichent des pertes, la palme revenant à la dernière venue Orange Bank avec - 75,9 millions d’euros au compteur. Boursorama Banque qui caracole en tête du nombre de clients (1,5 million) affiche une perte de 48,8 millions d’euros. Même constat pour BforBank (- 20,2 millions d’euros) ou Monabanq (- 8,6 millions d’euros).

Orange Bank a dégagé au premier semestre 2018 un produit net bancaire de 26 millions d’euros, entérinant un recul de 12 millions d’euros par rapport au premier semestre 2017. Le résultat d’exploitation est synonyme de perte à hauteur de 68 millions d’euros. Ces chiffres s’expliquent par les coûts d’acquisition de la clientèle et notamment les bonus de bienvenue allant de 80 euros à 120 euros. Orange Bank ne communique plus depuis mars dernier sur son nombre de clients alors évalué à 100.000 mais l’offre bancaire s’élargit toutefois avec la commercialisation de produits plus rémunérateurs à l’instar du crédit à la consommation lancé au printemps.

Boursorama vs fortuneo : deux stratégies ponctuellement différentes

Acteur historique de la banque en ligne, Boursorama ne gagne pas non plus d’argent actuellement. Rentable entre 2003 et 2015, la filiale de la Société Générale met entre parenthèses cet objectif en s’imposant de coûteux investissements marketing pour capter et fidéliser la clientèle. Dans le même temps, Boursorama s’attèle à se recentrer sur la France en se délestant de ses filiales européennes. Mais la rentabilité demeure la ligne de mire avec, à l’horizon 2020, le cap des 2 millions de clients à franchir. La banque en ligne s’évertue aussi à vendre plus de crédits, produits lucratifs, tout en diminuant les dépenses via des baisses d’effectifs.   

Fortuneo est la seule banque en ligne à dégager des profits : 9,3 millions d’euros (+ 4% sur un an). Son directeur France, Grégory Guermonprez, se félicite d’une « croissance organique à deux chiffres » fin 2017 en termes de clients (670.000) et d’encours (22,5 milliards d’euros). L’encours unitaire est de 30.000 euros par client pour la filiale du Crédit Mutuel Arkéa contre 18.000 euros chez Boursorama Banque. Cette situation s’explique par un positionnement stratégique initial axé sur l’assurance-vie et les produits boursiers, régulièrement enrichi, comme en 2017, avec la distribution de solutions de crédit immobilier. Résultat : fortuneo se constitue une clientèle d’épargnants pour mieux soutenir sa rentabilité.

Néobanques : un modèle tourné vers l’international

Plusieurs néobanques étrangères ont investi le marché hexagonal mais ont besoin de s’ouvrir à l’international pour pérenniser leur modèle économique. En février dernier, la néobanque Revolut précisait être temporairement rentable sur les deux mois précédents. Pour expliquer ces probants résultats, Benjamin Belais, responsable des activités françaises, vantait « une structure de coûts très légère » avec très peu de communication marketing programmée et une automatisation importante. Mais la rentabilité n’est pas recherchée sur le court terme comme l’illustre le lancement de Revolut dans de nombreux marchés en Amérique et en Asie.

La néobanque allemande N26 fonctionne sur le même schéma. Jérémie Rosselli, son représentant en France, précise : « Aujourd'hui, nous gagnons de l'argent avec chacun de nos clients. Notre seuil de rentabilité dépend simplement de combien nous souhaitons investir dans notre croissance ». En juin dernier, N26 annonçait avoir doublé son nombre de clients en Europe en 9 mois à peine, avec plus d’un million d’utilisateurs.

Autre acteur rentable depuis 2017 : Nickel (anciennement Compte Nickel). Le compte sans banque racheté par BNP Paribas flirte avec le million de clients (+53 % sur un an). La néobanque a recensé 85.000 ouvertures de comptes en France au deuxième trimestre poursuivant sur sa lancée. BNP Paribas enregistre d’ailleurs 8 millions de clients digitaux dont 3 millions en Europe pour la seule banque en ligne Hello bank!. Thierry Laborde, responsable des marchés domestique de BNP Paribas, indique que Nickel et Hello bank! seraient rentables, contrairement donc à Orange Bank ou Boursorama.



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